La LEC au regard de l’histoire

Numéro 15 – Septembre 2007

De la création des Archives fédérales en 1848 à la naissance de Pro Helvetia en passant par l’entrée en vigueur d’une nouvelle Constitution, la Suisse a lentement pris conscience qu’elle devait se munir d’une politique culturelle au niveau fédéral. Au fil des ans, cette réflexion a mené à l’inscription d’un « article culturel » dans la Constitution et, enfin, à l’élaboration du projet de loi sur l’encouragement à la culture. Retour sur un parcours semé d’embûches.

Le chemin qui a mené au projet de loi sur l’encouragement à la culture (LEC) raconte l’histoire de la Suisse et les changements qui l’ont transformée. De nombreuses étapes jalonnent ce parcours passionnant, fait de réflexions et d’ajustements. C’est un chemin concret, qui relate l’évolution des mentalités, c’est-à-dire la prise de conscience que la culture constitue un élément à part entière de notre identité fédérale.

Historiquement, c’est une progression en forme de « tâtonnements » qui a finalement conduit à la mouture actuelle de la loi sur l’encouragement à la culture, transmise en juin dernier au Parlement par le Conseil fédéral. Progression tâtonnante, car d’une étape à l’autre, la nécessité s’est affirmée d’avoir une vision d’ensemble et de se munir des instruments adéquats pour la mettre en œuvre.

Culture « globale »

La Constitution de 1848, qui marque le début du suffrage universel, a inauguré la Suisse contemporaine et son système d’État fédératif. C’est à ce moment qu’émerge l’idée d’une sauvegarde du patrimoine helvétique dans sa nouvelle identité. Les Archives deviennent fédérales et la création du Musée national et de la Bibliothèque nationale annoncent la prise en compte d’un lien culturel global.Plus tard, alors que la Suisse se sent menacée dans son identité par l’Allemagne d’Hitler, une « communauté de travail Pro Helvetia » voit le jour – devenue entre-temps la Fondation Pro Helvetia pour la culture. Chargée de défendre les valeurs spirituelles de la Suisse, cette « communauté » illustre alors un nouveau rassemblement autour de valeurs communes.

L’art du dialogue

Il faudra attendre 1975, date à laquelle est créé l’Office fédéral de la culture, pour que le rapport Clottu intitulé « Éléments pour une politique culturelle en Suisse » donne une première impulsion à l’inscription d’un article culturel dans la Constitution. L’article arrivera seulement vingt-cinq ans plus tard, avec la révision de la Constitution fédérale. Approuvé par le peuple en 1999 et entré en vigueur en 2000, ce nouveau texte stipule, dans son article 69, que :

  1. la culture est du ressort des cantons ;
  2. la Confédération peut promouvoir les activités culturelles présentant un intérêt national et encourager l’expression artistique et musicale, en particulier par la promotion de la formation ;
  3. dans l’accomplissement de ses tâches, elle tient compte de la diversité culturelle et linguistique du pays.

Ce n’est pas un hasard si l’élan vers l’élaboration de la LEC est né en même temps que la nouvelle Constitution de l’an 2000, moment où s’ouvrent toutes grandes les frontières culturelles à l’échelle mondiale. La « défense » de la diversité suisse – linguistique et culturelle au sens large – exige des mesures adaptées à la situation européenne et internationale.

L’urgence de disposer d’une politique culturelle au niveau suisse, qui n’a aucun besoin de bousculer les identités régionales, ni les identités locales, est une évidence qui a pris son temps pour se matérialiser. On peut reconnaître que c’est plus délicat – et plus intéressant – à réaliser que « le tout à la centralisation » ou « le tout au morcellement ». Notre histoire présente nous intime d’inventer un art du dialogue confédéral et régional. Elle nous incite à démontrer que nous savons produire des concepts novateurs ensemble. Il semble malheureusement que le contenu de la LEC n’aille pas tout à fait dans ce sens. Jusqu’à quand faudra-t-il rappeler que, à l’instar de l’environnement, la culture est une question de survie pour les valeurs que défend notre société ?

[ss_social_share]